Tafsir & Exégèse de Sourate Al-Qalam - Coran en français

بِسْمِ اللهِ الرَّحْمَنِ الرَّحِيم

Bismi l-Lāhi r-Raḥmāni r-Raḥīm

Au nom de Allāh, ar-Raḥmāni r-Raḥīm.

Le terme "Allāh" est le nom propre de l’Être nécessairement existant, digne de toutes les louanges, et il n’est pas dérivé. "Ar-Raḥmān" fait partie des noms spécifiques à Allāh; il signifie que Sa miséricorde englobe le croyant et le non-croyant dans ce bas monde. Cependant, Il ne fait miséricorde qu’aux croyants dans l’au-delà, comme il est dit dans sourate Al-’Aʿrāf / 156 qui signifie: "Et Ma miséricorde englobe toute chose ; Je la réserverai pour ceux qui ont évité la mécréance." "Ar-Raḥīm" est Celui Qui fait miséricorde aux croyants, comme Allāh dit dans sourate Al-’Aḥzāb / 43 ce qui signifie: "Et Il est Miséricordieux envers les croyants." "Ar-Raḥmān" est plus éloquent que "Ar-Raḥīm" car l’augmentation dans la structure indique une augmentation dans le sens.

Sourate al-Qalam (68) est mecquoise composée de cinquante-deux versets.

Cette sourate fait suite à la précédente en ce que Allāh y a mentionné les états des bienheureux et des malheureux, Sa puissance éclatante et Sa vaste science. Il a également averti qu’Il pourrait, s’Il le voulait, les faire engloutir par la terre ou leur envoyer une averse de pierres. Ce que Allāh a révélé est ce que le Messager de Allāh ﷺ a reçu par la révélation, alors que les mécréants l’attribuaient tantôt à la poésie, tantôt à la magie, tantôt à la folie. Allāh, par conséquent, a commencé cette sourate en disculpant le Prophète ﷺ de la folie qu’ils lui attribuaient, en magnifiant sa récompense pour sa patience face à leur nuisance, et en faisant l’éloge de son comportement sublime. Il a dit, ʿAzza WA jall :

نٓۚ وَٱلۡقَلَمِ وَمَا يَسۡطُرُونَ

Nūn wa l-qalami wa mā yasṭurūn [1]

Nūn. Par le calame et ce qu’ils écrivent.

Nūn est une des lettres de l’alphabet arabe. La wāw est une wāw de serment, signifiant que notre Seigneur, ʿAzza wa Jall, jure par le calame (la plume). Le calame est connu, mais celui par lequel notre Seigneur a juré est celui qu’Il a créé et qu’Il a ordonné d’écrire tout ce qui existera jusqu’au Jour du Jugement, comme les durées de vie, les actions, les subsistances, etc. Quant à "wa mā yasṭurūn", cela signifie ce qu’ils écrivent, c’est-à-dire ce que les anges gardiens écrivent comme actions des fils d’Ādam.

Ibn Kathīr, Nāfiʿ (avec une variante pour Warsh), Abū ʿAmr, Ḥamzah et Ḥafṣ ont lu la nūn avec une prononciation distincte (sans idghām) de la wāw du serment, tandis qu’Ibn ʿĀmir, al-Kisā’ī, Shuʿbah, Khalaf et Yaʿqūb l’ont lue en idghām.

مَاۤ أَنتَ بِنِعۡمَةِ رَبِّكَ بِمَجۡنُونٍ

Mā ’anta bi niʿmati rabbika bi majnūn [2]

Tu n’es point, par la grâce de ton Seigneur, un possédé.

Ô Mouḥammad, "bi niʿmati rabbika" signifie grâce à la grâce de ton Seigneur sur toi, par la foi, la prophétie et d’autres choses. "bi majnūn" signifie que tu n’es pas possédé par un démon. Ibn al-Mundhir a rapporté d’Ibn Jurayj que les mécréants disaient du Prophète ﷺ qu’il était possédé, alors ce verset fut révélé. Cela signifie que par la grâce de ton Seigneur sur toi, à travers la foi et la prophétie, tu n’es pas fou. Les grâces de Allāh sont manifestes sur toi par une éloquence parfaite, une intelligence complète, une conduite satisfaisante et une absence de défauts et d’erreurs. Il y a là une réfutation et une dénégation de ce que les polythéistes disaient, à savoir qu’il était fou.

وَإِنَّ لَكَ لَأَجۡرًا غَيْرَ مَمۡنُونٍ

Wa ’inna laka la ’ajran ghayra mamnūn [3]

Et il y aura pour toi une immense récompense ininterrompue.

Ô Mouḥammad, "la ’ajran" signifie une grande récompense de la part de Allāh pour ta patience face à la nuisance des polythéistes. Que ce qu’ils ont dit ne t’empêche pas d’appeler les gens à l’Islam. "ghayra mamnūn" signifie non diminuée et non interrompue.

وَإِنَّكَ لَعَلَىٰ خُلُقٍ عَظِيمٍ

Wa ’innaka laʿalā khuluqin ʿaḍhīm [4]

Et tu as certes un comportement éminent.

Ô Mouḥammad, "la ʿalā khuluqin ʿaḍhīm". Muslim a rapporté de ʿĀ’ishah, que Allāh l’agrée et son père, qu’elle a dit : "Certes, le caractère du Prophète de Allāh ﷺ était le [caractère incité par le] Qour’ān." La signification de ce verset est : tu es certes sur le caractère que Allāh t’a ordonné d’avoir dans le Qour’ān.

فَسَتُبْصِرُ وَيُبْصِرُونَ

Fa sa tubṣiru wa yubṣirūn [5]

Tu verras bientôt, et ils verront.

Ô Mouḥammad, tu sauras bientôt, et les polythéistes de la Mecque sauront au Jour du Jugement. C’est une menace pour eux.

بِأَييِّكُمُ الْمَفْتُونُ

Bi ’ayyikum l-maftūn [6]

Qui d’entre vous est le possédé.

Lequel des deux groupes est fou : est-ce le groupe dans lequel tu es avec les croyants, ou est-ce l’autre groupe ?

إِنَّ رَبَّكَ هُوَ أَعْلَمُ بِمَن ضَلَّ عَن سَبِيلِهِ وَهُوَ أَعْلَمُ بِالْمُهْتَدِينَ

’Inna rabbaka huwa ’aʿlamu bi man ḍalla ʿan sabīlihi wa huwa ’aʿlamu bi l-muhtadīn [7]

Ton Seigneur sait qui s’est égaré de la voie qu’Il agrée, et Il sait qui sont les bien-guidés.

Ô Mouḥammad, "huwa ’aʿlamu" signifie Allāh sait "bi man ḍalla ʿan sabīlihi", c’est-à-dire qui s’est écarté de la religion qu’Il agrée. "wa huwa ’aʿlamu bi l-muhtadīn", c’est-à-dire Allāh sait qui sont les bien-guidés, qui sont sur le bon chemin. Il récompensera chacun d’après son œuvre.

فَلَا تُطِعِ الْمُكَذِّبِينَ

Fa lā tuṭiʿi l-mukadh-dhibīn [8]

N’obéis donc pas aux négateurs.

Ô Mouḥammad n’obéis pas aux négateurs. En effet les chefs des Mecquois l’ont invité à leur religion. "al-mukadh-dhibīn" sont ceux qui ont renié ce que Allāh t’a révélé. C’est une interdiction de leur obéir en quoi que ce soit de ce qu’ils l’invitaient à faire, comme d’abandonner son appel pour qu’ils abandonnent le leur, ou de magnifier leurs idoles qu’ils adoraient en dehors de Allāh, etc.

وَدُّوا لَوْ تُدْهِنُ فَيُدْهِنُونَ

Waddū law tudhinu fa yudhinūn [9]

Ils voudraient que tu sois complaisant afin qu’ils soient conciliants.

Ils aimeraient que tu sois complaisant, c’est-à-dire que tu adoucisses ta position envers eux, "fa yudhinūn", c’est-à-dire qu’ils adoucissent la leur envers toi. La signification du verset est qu’ils désiraient que tu laisses certaines de tes pratiques qu’ils n’apprécient pas, en signe de compromis avec eux, pour qu’ils fassent de même, et qu’ils délaissent certaines choses que tu n’approuves pas.

وَلَا تُطِعْ كُلَّ حَلَّافٍ مَّهِينٍ

Wa lā tuṭiʿ kulla ḥallāfin mahīn [10]

Et n’obéis à aucun grand jureur, sans valeur.

Ô Mouḥammad n’obéis à aucun grand jureur, "kulla ḥallāfin", c’est-à-dire tout individu qui jure beaucoup par le mensonge. "mahīn", c’est-à-dire méprisable dans son opinion et son discernement. Certains ont dit que mahīn signifie un grand menteur, car c’est par mépris pour sa propre âme que l’homme ment.

Le ḥāfiḍh Ibn Ḥajar, dans Fatḥu l-Bārī, a dit : "Il y a eu divergence sur la personne à propos de laquelle ce verset a été révélé. Il a été dit que c’était al-Walīd ibn al-Mughīrah, et Yaḥyā ibn Sallām l’a mentionné dans son tafsīr. Il a été dit que c’était al-Aswad ibn ʿAbd Yaghūth, et Sunayd ibn Dāwūd l’a mentionné dans son tafsīr. Il a été dit que c’était al-Akhnas ibn Sharīq, et as-Suhayliyy l’a rapporté de al-Qutaybiyy. Aṭ-Ṭabariyy a rapporté ces deux opinions en disant : on dit que c’est al-Akhnas, et certains prétendent que c’est al-Aswad, mais ce n’est pas lui. Ceux qui ont dit que c’était ʿAbdu r-Raḥmān ibn al-Aswad ont dit une chose éloignée de la vérité, car il était trop jeune pour cela, et il est devenu musulman et a été mentionné parmi les compagnons." Fin de citation.

هَمَّازٍ مَّشَّاءٍ بِنَمِيمٍ

Hammāzin mash-shā’in bi namīm [11]

Grand diffamateur, qui répand la médisance.

Ibn ʿAbbās a dit : "C’est le médisant." La médisance est de mentionner ton frère musulman en son absence avec ce qu’il déteste. Abū Dāwūd a rapporté dans ses sunan que Anas ibn Mālik, que Allāh l’agrée, a dit que le Messager de Allāh ﷺ a dit ce qui signifie : « La nuit où j’ai été élevé au ciel, je suis passé devant un groupe de gens qui avaient des ongles en cuivre et se griffaient le visage et la poitrine. J’ai dit : Qui sont ceux-là, ô Jibrīl ? Il a dit : "Ce sont ceux qui mangeaient la chair des gens et s’en prenaient à leur honneur. » "mash-shā’in bi namīm", c’est-à-dire qui colporte la médisance entre les gens pour semer la discorde. La namīmah est de rapporter des paroles pour semer la corruption. Le Messager de Allāh ﷺ a dit ce qui signifie : "Le qattāt (celui qui pratique la namīmah) n’entrera pas au paradis [parmi les premiers]." Rapporté par al-Bukhāryy. Le qattāt est le nammām (colporteur de médisance). La signification du ḥadīth est qu’il n’entrera pas avec les premiers.

مَّنَّاعٍ لِّلْخَيْرِ مُعْتَدٍ أَثِيمٍ

Mannāʿin li l-khayri muʿtadin athīm [12]

Grand empêcheur du bien, transgresseur, grand pécheur.

Il est apparent ici que le mot "khayr" désigne le bien en général. C’est ce qu’a dit Abū Ḥayyān. D’autres ont dit que cela signifie avare de ses biens, ou qu’il empêche sa progéniture et son clan de devenir musulman en leur disant que celui qui entre dans la religion de Mouḥammad ne recevra jamais rien de lui. "muʿtadin" signifie qu’il transgresse les limites en opprimant les gens et en étant dans le faux. "athīm" signifie qui commet de nombreux péchés.

عُتُلٍّ بَعْدَ ذَٰلِكَ زَنِيمٍ

ʿUtullin baʿda dhālika zanīm [13]

Brutal et en plus de cela zanīm

Cela signifie grossier et brutal. D’autres ont dit que cela désigne celui qui violente les gens, les emprisonne et les frappe. D’autres ont dit que c’est celui qui est très querelleur et qui soutient le faux. D’autres ont dit que c’est le dépravé, le misérable. D’autres ont dit que c’est celui qui est un grand mangeur, un grand buveur, un oppresseur. "baʿda dhālika", c’est-à-dire en plus de tout cela, il est "zanīm". Cela signifie qu’en plus de toutes ces mauvaises qualités, il est un zanīm, qui est celui dont la filiation est douteuse et qui n’est pas de la tribu des Quraysh. Il a aussi été dit que zanīm est celui qui est connu pour sa méchanceté, tout comme le mouton est reconnu par ses zanamah, qui sont les parties qui pendent de son oreille et de sa gorge. Al-Bukhāryy a rapporté d’Ibn ʿAbbās, que Allāh les agrée, à propos de l’explication de "ʿutullin baʿda dhālika zanīm", il a dit : "Un homme des Quraysh qui a une zanamah, comme la zanamah du mouton." Rapporté par al-Bukhāryy dans son Ṣaḥīḥ, chapitre sur le tafsīr, section sur "ʿutullin baʿda dhālika zanīm".

Al-Bukhāryy a également rapporté de Ḥārithah ibn Wahb al-Khuzāʿyy qui a dit : « J’ai entendu le Prophète ﷺ dire : ce qui signifie : "Voulez-vous que je vous informe des gens du Paradis ? C’est tout [croyant vertueux, d’apparence] faible, humble, qui, s’il invoque Allāh, Il l’exauce. Voulez-vous que je vous informe des gens de l’Enfer ? C’est tout brutal, arrogant et orgueilleux." » Rapporté par al-Bukhāryy dans son Ṣaḥīḥ, chapitre sur le tafsīr, section sur "ʿutullin baʿda dhālika zanīm" de la sourate Nūn.

Ibn Jarīr a rapporté d’Ibn ʿAbbās qui a dit : "Il a été révélé au Prophète ﷺ "wa lā tuṭiʿ kulla ḥallāfin mahīn, hammāzin mashshā’in bi namīm", et nous ne l’avons pas reconnu (al-Walīd ibn al-Mughīrah) jusqu’à ce qu’il soit révélé ensuite "zanīm", alors nous l’avons reconnu, car il avait une zanamah comme la zanamah du mouton."

أَن كَانَ ذَا مَالٍ وَبَنِينَ

’An kāna dhā mālin wa banīn [14]

Parce qu’il possède richesses et enfants.

Ibn Kathīr, Nāfiʿ, Abū ʿAmr, al-Kisā’ī et Ḥafṣ ʿan ʿĀṣim ont lu "’an kāna" comme une information, c’est-à-dire ne lui obéis pas parce qu’il possède des biens et des enfants. Ibn ʿĀmir l’a lu avec deux hamzah : la première prononcée légèrement et la seconde de manière douce. Abū Jaʿfar a inséré un alif entre les deux. Ḥamzah l’a lu avec deux hamzah distinctes sur le mode interrogatif. Il y a deux explications possibles : la première est qu’est-ce qu’il y a à lui obéir parce qu’il est riche et qu’il a des enfants ? C’est un reproche à ce grand jureur méprisable. La seconde est : est-ce parce qu’il a de l’argent et des enfants ?

إِذَا تُتْلَىٰ عَلَيْهِ آيَاتُنَا قَالَ أَسَاطِيرُ الْأَوَّلِينَ

’Idhā tutlā ʿalayhi ’āyātunā qāla ’asāṭīru l-’awwalīn [15]

Quand Nos versets lui sont récités, il dit : « Ce sont des contes d’anciens ! »

Il s’agit du Qour’ān. "qāla ’asāṭīru l-’awwalīn" signifie il a dit : des futilités, des superstitions et des mythes des anciens. Ce qu’il a dit est une moquerie des versets de Allāh et une dénégation qu’ils proviennent de Allāh. Après avoir mentionné les laideurs de ses actes et de ses paroles, Allāh a mentionné ce qui lui sera fait, en guise de menace. Il a dit, ʿAzza wa Jall :

سَنَسِمُهُ عَلَى الْخُرْطُومِ

Sa nasimuhu ʿala l-khurṭūm [16]

Nous le marquerons sur le nez.

As-simah est la marque, et al-khurṭūm est le nez. La signification est : Nous rendrons son cas si manifeste qu’ils le reconnaîtront sans hésitation, comme on reconnaît la marque sur le nez. Il est également possible que la signification soit : Nous allons marquer son nez d’une marque qui le couvrira de honte pour le reste de sa vie. Il a été marqué par une épée. On dit khaṭamahu lorsqu’on laisse une blessure sur son nez. Ainsi, il a cumulé la manifestation de ses défauts pour les gens et la blessure par l’épée sur son nez. D’autres ont dit que c’est une honte qui ne le quittera jamais.

إِنَّا بَلَوْنَاهُمْ كَمَا بَلَوْنَا أَصْحَابَ الْجَنَّةِ إِذْ أَقْسَمُوا لَيَصْرِمُنَّهَا مُصْبِحِينَ

’Inna balawnāhum kamā balawnā ’aṣḥāba l-jannati ’idh ’aqsamū la yaṣrimunnahā muṣbiḥīn [17]

Nous les avons éprouvés comme Nous avons éprouvé les gens du verger. Ceux-ci avaient juré de le récolter au matin.

Allāh parle des Mecquois. Nous les avons éprouvés et testés, c’est-à-dire que Nous leur avons donné des biens pour qu’ils soient reconnaissants et non ingrats. Quand ils se sont montrés ingrats et ont combattu Mouḥammad ﷺ, Nous les avons éprouvés par la faim et la sécheresse. "kamā balawnā" signifie Nous avons éprouvé "’aṣḥāba l-jannati", les gens du verger, "’idh ’aqsamū" et ont juré entre eux "la yaṣrimunnahā", c’est-à-dire qu’ils allaient cueillir ses fruits "muṣbiḥīn", le matin, pour que les pauvres ne s’en aperçoivent pas, et qu’ils ne leur donnent rien de ce que leur père avait l’habitude de leur donner.

وَلَا يَسْتَثْنُونَ

Wa lā yastathnūn [18]

Et il n’ont pas excepter.

Ils n’ont pas dit "in shā’a Allāh" (si Allāh le veut), mais ils ont pris une décision ferme comme s’ils étaient maîtres de leur destin. L’histoire des gens du verger est la suivante, selon les exégètes : un homme au Yémen avait un verger. C’était un croyant, après l’époque du prophète (Jésus) ʿĪsā ibn Maryam, عليه السّلام. Au moment de la récolte, il réservait une part pour les pauvres et les miséreux, ce qui représentait une grande quantité. Quand cet homme mourut, ses trois fils en héritèrent. Ils se dirent : "Par Allāh, l’argent est peu, et la famille est grande. Notre père faisait cela parce qu’il avait beaucoup d’argent et peu de famille. Mais nous, avec peu d’argent et beaucoup de famille, nous ne pouvons pas faire cela." Ils prirent la décision de priver les pauvres et jurèrent entre eux d’aller au petit matin, avant que les gens ne sortent, pour cueillir les fruits du verger. Mais au matin, ils le trouvèrent entièrement brûlé et noir comme la nuit.

فَطَافَ عَلَيْهَا طَائِفٌ مِّن رَّبِّكَ وَهُمْ نَائِمُونَ

Fa ṭāfa ʿalayhā ṭā’ifun min rabbika wa hum nā’imūn [19]

Et une calamité de ton Seigneur la frappa pendant qu’ils dormaient.

Un malheur est tombé "ʿalayhā", sur le verger, "ṭā’ifun min rabbika", une épreuve de Allāh, "wa hum nā’imūn", pendant qu’ils dormaient. La signification du verset est que Allāh a envoyé un feu sur le verger, et il a brûlé et est devenu noir.

فَأَصْبَحَتْ كَالصَّرِيمِ

Fa ’aṣbaḥat kaṣ-ṣarīm [20]

Il devint tout noir.

Leur jardin est devenu "kaṣ-ṣarīm", comme la nuit noire, à cause de l’incendie. D’autres ont dit qu’il est devenu comme de la cendre noire.

فَتَنَادَوْا مُصْبِحِينَ

Fa tanādaw muṣbiḥīn [21]

Ils s’interpellèrent au matin.

Ces gens, les propriétaires du verger, se sont appelés les uns les autres pour se rendre à leur rendez-vous "muṣbiḥīn", au petit matin.

أَنِ اغْدُوا عَلَىٰ حَرْثِكُمْ إِن كُنتُمْ صَارِمِينَ

’Ani ghdu ʿalā ḥarthikum ’in kuntum ṣārimīn [22]

Allez de bonne heure à votre champ si vous voulez récolter.

C’est-à-dire, sortez tôt "ʿalā ḥarthikum", pour vos fruits et votre récolte, "’in kuntum ṣārimīn", si vous voulez cueillir vos fruits.

فَانطَلَقُوا وَهُمْ يَتَخَافَتُونَ

Fa nṭalaqū wa hum yatakhafatūn [23]

Ils partirent, en se chuchotant.

Ils se sont mis en route vers leur champ "wa hum yatakhafatūn", ils se parlaient à voix basse, c’est-à-dire qu’ils cachaient leurs paroles pour que personne ne sache.

أَن لَّا يَدْخُلَنَّهَا الْيَوْمَ عَلَيْكُم مِّسْكِينٌ

’An lā yadkhulannahā l-yawma ʿalaykum miskīn [24]

Qu’aucun pauvre n’y pénètre aujourd’hui, auprès de vous.

Ils se chuchotaient et disaient : "Qu’aucun pauvre ne pénètre dans ce jardin "al-yawma ʿalaykum miskīn"." L’interdiction d’entrer est une interdiction de les laisser entrer. C’est-à-dire, ne leur permettez pas d’entrer.

وَغَدَوْا عَلَىٰ حَرْدٍ قَادِرِينَ

Wa ghadaw ʿalā ḥardin qādirīn [25]

Ils s’y rendirent de bonne heure, décidés et croyant pouvoir.

Ils sont allés à leur jardin de bonne heure "ʿalā ḥardin", c’est-à-dire avec détermination. Ḥard a été expliqué comme l’intention, c’est-à-dire qu’ils sont allés avec une intention qu’ils avaient décidée et cachée entre eux, se croyant capables de cueillir les fruits et d’atteindre leur objectif. Ḥard a également été expliqué comme l’interdiction, c’est-à-dire qu’ils empêcheraient les pauvres, et qu’ils se croyaient capables de le faire. Il y a d’autres explications. "qādirīn" signifie qu’ils se croyaient capables de cueillir les fruits de leur jardin et que personne ne pourrait les en empêcher. Il est également possible que cela vienne du verbe qaddara, qui signifie resserrer, comme dans le verset : "fa qaddara ʿalayhi rizqahū" (sourate al-Fajr), c’est-à-dire qu’ils resserraient la subsistance sur les pauvres en les privant de ce que leur père leur donnait, selon Abū Ḥayyān.

فَلَمَّا رَأَوْهَا قَالُوا إِنَّا لَضَالُّونَ

Fa lammā ra’awhā qālū ’innā la ḍāllūn [26]

Puis, quand ils la virent, ils dirent : "En vérité, nous nous sommes égarés."

Quand ces gens sont arrivés à leur jardin et ont vu que leur récolte était brûlée, ils ne l’ont pas reconnue et ont douté que ce soit leur jardin. Certains se sont dit les uns aux autres, pensant qu’ils s’étaient égarés et que ce qu’ils voyaient n’était pas leur jardin : "qālū ’innā la ḍāllūn", c’est-à-dire que nous nous sommes trompés de chemin vers notre jardin et ce n’est pas le nôtre. Ensuite, il leur est apparu clairement que c’était bien le leur et qu’une punition de Allāh l’avait privé de ses biens. Il a aussi été dit que la signification est : nous nous sommes égarés de la bonne voie en allant avec l’intention d’empêcher les pauvres, c’est pour cela que nous avons été punis.

بَلْ نَحْنُ مَحْرُومُونَ

Bal naḥnu maḥrūmūn [27]

Ou plutôt, nous sommes privés (de tout bien).

Ils dirent : "maḥrūmūn", nous avons été privés de ses bienfaits et de son profit en empêchant les pauvres d’y avoir accès.

قَالَ أَوْسَطُهُمْ أَلَمْ أَقُل لَّكُمْ لَوْلَا تُسَبِّحُونَ

Qāla ’awsaṭuhum ’alam ’aqul lakum lawlā tusabbiḥūn [28]

Le plus juste d’entre eux dit : « Ne vous avais-je pas dit : Si seulement vous glorifiiez Allah ! »

Le plus vertueux, le plus sage d’entre eux a dit : "’alam ’aqul lakum", ne vous avais-je pas dit : "lawlā tusabbiḥūn", pourquoi ne glorifiez-vous pas Allāh et ne Le remerciez-vous pas pour ce qu’Il vous a donné ? Leur frère les a réprimandés et grondés pour avoir délaissé ce qu’il leur avait enjoint de faire, c’est-à-dire de faire l’éloge de Allāh et de Le déclarer exempt de toute imperfection. S’ils avaient mentionné Allāh et Sa bonté envers eux, ils auraient accompli ce qui leur avait été ordonné de faire, à savoir de partager avec les pauvres, et auraient suivi la tradition de leur père. Mais comme ils ont négligé le souvenir de Allāh et ont décidé d’empêcher les pauvres, Allāh les a éprouvés. Cela indique que le plus juste d’entre eux les avait déjà avertis et exhortés à se souvenir de Allāh. Il a aussi été dit que "lawlā tusabbiḥūn" signifie : pourquoi n’avez-vous pas fait l’exception en disant "in shā’a Allāh" (si Allāh le veut) quand vous avez dit "la yaṣrimunnahā muṣbiḥīn" ? D’autres ont dit que cela signifie pourquoi ne vous souvenez-vous pas de Allāh et ne vous repentez-vous pas de votre mauvaise intention ? Après sa réprimande, ils se sont tournés vers l’évocation de Allāh, ont reconnu leur injustice et se sont empressés de glorifier Allāh.

قَالُوا سُبْحَانَ رَبِّنَا إِنَّا كُنَّا ظَالِمِينَ

Qālū subḥāna rabbinā ’innā kunnā ḍālimīn [29]

Ils dirent : « Gloire à notre Seigneur ! Nous avons été injustes ! »

Ils ont déclaré Allāh exempt de toute injustice dans ce qu’Il a fait. Ibn ʿAbbās a dit : cela signifie que nous demandons pardon à Allāh pour notre péché. "’innā kunnā ḍālimīn", nous avons été injustes envers nous-mêmes en empêchant les pauvres de recevoir les fruits de notre jardin.

فَأَقْبَلَ بَعْضُهُمْ عَلَىٰ بَعْضٍ يَتَلَاوَمُونَ

Fa ’aqbala baʿḍuhum ʿalā baʿḍin yatalāwamūn [30]

Ils s’approchèrent les uns des autres, se faisant des reproches.

Ils se blâmaient les uns les autres. L’un disait : "C’est toi qui nous as donné cette idée." L’autre disait : "C’est toi qui nous as fait craindre la pauvreté." Le troisième disait : "C’est toi qui nous as incités à accumuler de l’argent." Puis ils se sont eux-mêmes désignés comme étant en perdition.

قَالُوا يَا وَيْلَنَا إِنَّا كُنَّا طَاغِينَ

Qālū yā waylanā ’innā kunnā ṭāghīn [31]

Malheur à nous ! Nous avons été injustes.

"yā waylanā" signifie : que nous périssions ! "’innā kunnā ṭāghīn", nous avons désobéi à l’ordre de Allāh en ne faisant pas d’exception et en refusant le droit des pauvres. Ensuite, ils ont espéré que Allāh leur donnerait quelque chose de meilleur que ce jardin, et ils ont dit :

عَسَىٰ رَبُّنَا أَن يُبْدِلَنَا خَيْرًا مِّنْهَا إِنَّا إِلَىٰ رَبِّنَا رَاغِبُونَ

ʿAsā rabbunā ’an yubdilanā khayran minhā ’innā ’ilā rabbinā rāghibūn [32]

Il se peut que notre Seigneur nous donne en échange un verger meilleur que celui-ci. Nous désirons ardemment un bien de notre Seigneur.

"khayran minhā", c’est-à-dire un verger meilleur que celui-ci. "’innā ’ilā rabbinā rāghibūn", c’est-à-dire que nous demandons à Allāh, ʿAzza wa Jall, de nous donner en échange de notre verger détruit, un meilleur. Les gens de Médine et Abū ʿAmr ont lu "yubaddilnā" avec une fatḥa sur le bā’ et un tashdīd sur le dāl.

كَذَٰلِكَ الْعَذَابُ وَلَعَذَابُ الْآخِرَةِ أَكْبَرُ لَوْ كَانُوا يَعْلَمُونَ

Ka dhālika l-ʿadhābu wa la ʿadhābu l-’ākhirati ’akbaru law kānū yaʿlamūn [33]

Tel fut le châtiment. Et le châtiment de l’au-delà est plus grand encore, si seulement ils savaient !

Le châtiment de ce bas monde est celui par lequel Nous avons éprouvé les propriétaires du jardin en détruisant ce qu’ils avaient, si bien que leur jardin est devenu comme la nuit noire. "wa la ʿadhābu l-’ākhirati ’akbaru", c’est-à-dire que la punition de l’au-delà pour celui qui désobéit à son Seigneur et mécroit en Lui est plus grande au Jour du Jugement que la punition et le châtiment de ce bas monde. "law kānū yaʿlamūn", si seulement ces polythéistes savaient que la punition de Allāh pour ceux qui Lui attribuent des associés est plus grande que Sa punition pour eux dans ce bas monde, ils se seraient repentis et seraient revenus à l’obéissance à Allāh. Ensuite, Allāh, ʿAzza wa Jall, a informé de ce qu’Il a préparé pour les pieux :

إِنَّ لِلْمُتَّقِينَ عِندَ رَبِّهِمْ جَنَّاتِ النَّعِيمِ

’Inna li l-muttaqīna ʿinda rabbihim jannāti n-naʿīm [34]

Certes pour les pieux, il y aura dans le paradis [agrée par Allāh] des jardins de délice.

Il s’agit des croyants en Allāh et Son Messager, qui évitent le polythéisme et toutes les formes de mécréance. Le pieux est celui qui a accompli ce que Allāh a rendu obligatoire et s’est abstenu de ce qu’Il a interdit. Ces pieux auront "ʿinda rabbihim", dans l’au-delà, "jannāti n-naʿīm", c’est-à-dire les jardins du délice permanent et sans désagrément. Allāh a dit : إنَّ الذينَ ءامَنُوا وعَمِلوا الصَّالِحاتِ إنَّا لا نُضِيعُ أجرَ مَنْ أحْسَنَ عملاً (30) أُولئِكَ لهُمْ جنَّاتُ عَدْنٍ تَجري مِن تَحْتِهِمُ الأنهارُ يُحَلَّوْنَ فيها مِن أساوِرَ مِن ذهبٍ ويَلْبَسُونَ ثيابًا خُضْرًا من سُندُسٍ وإستبرقٍ مُتَّكِئينَ فيها على الأرائِكِ نِعْمَ الثَّوابُ وحَسُنَتْ مُرتَفَقًا (31)﴿ "Inna lladhīna ’āmanū wa ʿamilu ṣ-ṣāliḥāti ’innā lā nuḍīʿu ’ajra man ’aḥsana ʿamalā. ’ulā’ika lahum jannātu ʿadnin tajrī min taḥtihimu l-’anhāru yuḥallawna fīhā min ’asāwira min dhahabin wa yalabīsūna thiyāban khuḍran min sundusin wa ’istabraqin muttaki’īna fīhā ʿalā l-’arā’iki niʿma th-thawābu wa ḥasunat murtafaqā" (sourate al-Kahf). Le Messager de Allāh ﷺ a dit ce qui signifie: "Les gens du Paradis y mangeront et y boiront sans cracher, sans uriner, sans déféquer, et sans sécrétions nasales" Ils ont dit : "Et que devient la nourriture ?" Il a dit : "Une sueur comme la sueur du musc. Il leur sera inspiré de glorifier et de louer Allāh comme il leur est inspiré de respirer." Il a également dit : «Un ange appellera : "Vous aurez la santé et ne tomberez jamais malades. Vous vivrez et ne mourrez jamais. Vous resterez jeunes et ne vieillirez jamais. Vous serez dans le bonheur et ne connaîtrez jamais le malheur." C’est la signification de la parole de Allāh :  ﴾ونُودُوا أنْ تِلكُمُ الجَنَّةُ أُورِثتُمُوهَا بِمَا كُنتُم تَعْمَلُونَ﴿ "wa nūdū ’an tilkumu l-jannatu ’ūrithtumūhā bimā kuntum taʿmalūn"» (sourate al-’Aʿrāf). Les deux ḥadīth ont été rapportés par Muslim.

أَفَنَجْعَلُ الْمُسْلِمِينَ كَالْمُجْرِمِينَ

’A fa najʿalu l-muslimīna ka l-mujrimīn [35]

Traiterons-Nous les musulmans comme les mécréants ?

Ceux qui croient en leur Seigneur et s’humilient pour Lui par l’adoration ne sont pas égaux aux mécréants selon le jugement de Allāh. C’est une question qui met en évidence leur erreur et qui sert de réprimande et de reproche aux mécréants.

مَا لَكُمْ كَيْفَ تَحْكُمُونَ

Mā lakum kayfa taḥkumūn [36]

Qu’avez-vous à juger ainsi ?

C’est une question réprobatrice à leur égard. "kayfa taḥkumūn" est une troisième question réprobatrice. Le sens du verset est : comment pouvez-vous rendre ce jugement erroné, comme si la question de la récompense vous était déléguée et que vous pouviez y juger ce que vous vouliez, en disant que vous aurez le même bien que les musulmans ? Cela montre que ce jugement est le fruit d’une pensée défaillante et d’une opinion tordue.

أَمْ لَكُمْ كِتَابٌ فِيهِ تَدْرُسُونَ

’Am lakum kitābun fīhi tadrusūn [37]

Ou bien avez-vous un livre dans lequel vous lisez ?

Ô gens, avez-vous un "kitābun", un livre révélé par Allāh, que vous lisez "fīhi tadrusūn", dans lequel vous lisez ce jugement ? Avez-vous reçu un livre de la part d’un de Ses messagers ?

إِنَّ لَكُمْ فِيهِ لَمَا تَخَيَّرُونَ

’Inna lakum fīhi lamā takhayyarūn [38]

Que tout ce que vous désirez vous y est assuré ?

Cela signifie que ce que vous choisissez et désirez vous est assuré, comme vous l’avez prétendu. Al-Bazzī a accentué la lettre tā’ de "takharūn" lorsqu’elle est connectée à ce qui précède.

أَمْ لَكُمْ أَيْمَانٌ عَلَيْنَا بَالِغَةٌ إِلَىٰ يَوْمِ الْقِيَامَةِ إِنَّ لَكُمْ لَمَا تَحْكُمُونَ

’Am lakum ’aymānun ʿalaynā bālighatun ’ilā yawmi l-qiyāmati ’inna lakum lamā taḥkumūn [39]

Ou bien est-ce que Nous vous avons fait des serments solennels jusqu’au Jour de la Résurrection vous garantissant ce que vous jugiez ?

Avez-vous "’aymānun ʿalaynā bālighatun", des serments, des promesses et des pactes solennels que Nous vous avons faits et dont vous vous êtes assurés de la validité "’ilā yawmi l-qiyāmati", qui sont confirmés et qui ne s’interrompent pas jusqu’au Jour du Jugement, que "’inna lakum lamā taḥkumūn", votre jugement vous est assuré ?

سَلْهُمْ أَيُّهُم بِذَٰلِكَ زَعِيمٌ

Salhum ’ayyuhum bi dhālika zaʿīm [40]

Demande-leur lequel d’entre eux en est garant.

Ô Mouḥammad, interroge ces polythéistes et dis-leur : "’ayyuhum bi dhālika zaʿīm". Zaʿīm signifie garant, c’est-à-dire lequel d’entre eux se porte garant que dans l’au-delà ils auront le même bien que les musulmans ?

أَمْ لَهُمْ شُرَكَاءُ فَلْيَأْتُوا بِشُرَكَائِهِمْ إِن كَانُوا صَادِقِينَ

’Am lahum shurakā’u fa lya’tū bi shurakā’ihim ’in kānū ṣādiqīn [41]

Ou bien ont-ils des associés ? Qu’ils fassent donc venir leurs associés, s’ils sont véridiques.

Il y a deux interprétations. La première : est-ce qu’ils ont des choses qu’ils considèrent comme des associés à Allāh et croient que ces associés les rendront comme les croyants dans l’au-delà, en termes de récompense et de protection contre le châtiment ? Le terme "shurakā’" (associés) leur est attribué parce que ce sont eux qui les ont considérés comme des associés de Allāh.

La seconde : est-ce qu’ils ont des gens qui partagent leur opinion, à savoir qu’il y a égalité entre le musulman et le criminel, et qu’ils auront le même bien que les musulmans dans l’au-delà ? "fa lya’tū bi shurakā’ihim" est un ordre signifiant la preuve de leur incapacité. C’est-à-dire que personne ne partage leur opinion, tout comme ils n’ont pas de livre, ni de pacte selon le jugement de Allāh, ni de garant qui leur promet cela. Qu’ils fassent venir leurs associés pour qu’ils témoignent de ce qu’ils prétendent "’in kānū ṣādiqīn", s’ils sont véridiques dans leur prétention.

Ensuite, Allāh a réfuté leur parole et a montré qu’elle n’avait aucun fondement, puis Il a informé de la grandeur du Jour du Jugement en disant :

يَوْمَ يُكْشَفُ عَن سَاقٍ وَيُدْعَوْنَ إِلَى السُّجُودِ فَلَا يَسْتَطِيعُونَ

Yawma yukshafu ʿan sāqin wa yudʿawna ’ilā s-sujūdi fa lā yastaṭīʿūn [42]

Le jour où sera dévoilée une grande difficulté, et ils seront appelés à la prosternation, mais ils n’y pourront pas.

C’est le Jour du Jugement. "yukshafu ʿan sāqin" est une expression pour décrire la gravité du Jour du Jugement, pour le jugement et la rétribution. On dit cette expression quand la situation devient très difficile. Cette signification a été confirmée par l’interprète du Qour’ān, ʿAbdou l-Lāh ibnou ʿAbbās, que Allāh l’agrée ainsi que son père, qui a dit en expliquant ce verset : "C’est un jour de grande difficulté." (Voir Fatḥou l-Bārī fī sharḥi Ṣaḥīḥ al-Bukhāryy [13 / 428]). Al-Ḥākim a rapporté par la voie de ʿIkrimah d’après Ibn ʿAbbās : "C’est un jour d’affliction et de difficulté."

L’Imām Abū Jaʿfar aṭ-Ṭaḥāwī, qui est un des chefs des Salaf aṣ-Ṣāliḥ, a dit dans sa croyance qui est celle des gens de la Sunnah et de la communauté : "Et Allāh est exempt des limites, des fins, des parties, des membres et des organes"

"wa yudʿawna", les mécréants sont appelés "’ilā s-sujūd" à la prosternation, "fa lā yastaṭīʿūn", mais ils n’en seront pas capables, comme si des épines de fer étaient dans leurs dos. L’appel à la prosternation est un reproche et une réprimande. Quand ils seront appelés à se prosterner, ils seront privés de la capacité de le faire et ne pourront pas, pour que leur tristesse et leur regret augmentent pour ce qu’ils ont manqué quand ils y étaient appelés alors qu’ils étaient en capacité de le faire [dans le bas monde].

خَاشِعَةً أَبْصَارُهُمْ تَرْهَقُهُمْ ذِلَّةٌ وَقَدْ كَانُوا يُدْعَوْنَ إِلَى السُّجُودِ وَهُمْ سَالِمُونَ

Khāshiʿatan ’abṣāruhum tarhaquhum dhillatun wa qad kānū yudʿawna ’ilā s-sujūdi wa hum sālimūn [43]

Leurs regards seront baissés, et l’humiliation les couvrira. Or, ils étaient auparavant appelés à se prosterner alors qu’ils étaient bien portants.

Leurs regards seront humiliés et soumis. "tarhaquhum dhillatun", c’est-à-dire que l’humiliation les couvrira, car les croyants lèveront la tête, leurs visages seront plus blancs que la neige, tandis que les visages des mécréants seront noirs. "wa qad kānū yudʿawna ’ilā s-sujūdi", dans ce monde, ils étaient appelés à la prosternation "wa hum sālimūn", alors qu’ils étaient en bonne santé.

فَذَرْنِي وَمَن يُكَذِّبُ بِهَٰذَا الْحَدِيثِ سَنَسْتَدْرِجُهُم مِّنْ حَيْثُ لَا يَعْلَمُونَ

Fa dharnī wa man yukaḍhdhibu bi hādhā l-ḥadīthi sa nastadrijuhum min ḥaythu lā yaʿlamūn [44]

Je te suffirai concernant ceux qui traitent de mensonge ce Qour’ān. Nous allons les amener graduellement (à leur perte) par où ils ne savent pas.

Le sens est : Ô Mouḥammad, Je te suffirai pour ceux qui traitent de mensonge le Qour’ān, je les châtierai. Je sais ce qu’ils méritent comme châtiment. C’est une menace sévère pour celui qui nie ce qui a été révélé au Messager de Allāh ﷺ concernant l’au-delà et d’autres sujets.

"sa nastadrijuhum", c’est-à-dire que Nous les prendrons degré par degré. Cela signifie que Allāh les rapproche du châtiment degré par degré jusqu’à ce qu’Il les y fasse tomber. "min ḥaythu lā yaʿlamūn". L’istidrāj (l’attraction graduelle vers la perdition) selon le jugement de Allāh pour les désobéissants est de leur accorder la santé et d’ouvrir des portes de la grâce dont ils se réjouissent et auxquelles ils s’attachent, pensant que c’est une faveur qui leur est faite par rapport aux croyants, alors qu’en réalité, c’est une cause de leur perdition. En effet, lorsque l’esclave, chaque fois qu’il commet un péché, Allāh lui accorde une nouvelle grâce et lui fait oublier le repentir et la demande de pardon, c’est de l’istidrāj, et l’esclave ne s’en rend pas compte.

وَأُمْلِي لَهُمْ إِنَّ كَيْدِي مَتِينٌ

Wa ’umlī lahum ’inna kaydī matīn [45]

Et Je leur accorde un délai, car Mon châtiment est sévère.

Je leur accorde un délai et Je prolonge leur vie. "’inna kaydī matīn", Mon châtiment est rude et sévère.

أَمْ تَسْأَلُهُمْ أَجْرًا فَهُم مِّن مَّغْرَمٍ مُّثْقَلُونَ

’Am tas’aluhum ’ajran fa hum min maghramin muthqalūn [46]

Ou bien leur demandes-tu un salaire, de sorte qu’ils seraient grevés d’une lourde dette ?

Ô Mouḥammad, demandes-tu à ces polythéistes une récompense ou une rétribution pour les conseils que tu leur as donnés et pour la vérité à laquelle tu les as appelés ? "’ajran", un salaire. "fa hum min maghramin muthqalūn", c’est-à-dire qu’ils seraient accablés par une lourde dette en te payant. Le sens du verset est : demandes-tu d’eux un salaire, de sorte que le fardeau de la dette pèserait sur leurs biens et les dissuaderait de croire, si bien qu’ils ne croient pas ? C’est une question de négation, c’est-à-dire que tu ne demandes pas de salaire pour la transmission de la révélation, et qu’il ne leur est pas difficile de le faire, et qu’ils ne peuvent donc pas s’empêcher d’entrer dans la religion à laquelle tu les appelles.

أَمْ عِندَهُمُ الْغَيْبُ فَهُمْ يَكْتُبُونَ

’Am ʿindahumu l-ghaybu fa hum yaktubūn [47]

Ou bien détiennent-ils al-Ghayb [les choses cachées] et écrivent-ils ?

C’est-à-dire le Livre préservé dans lequel se trouve al-Ghayb [les choses cachées, "fa hum yaktubūn", d’où ils écrivent ce qu’ils disent. C’est une question réprobatrice.

فَاصْبِرْ لِحُكْمِ رَبِّكَ وَلَا تَكُن كَصَاحِبِ الْحُوتِ إِذْ نَادَىٰ وَهُوَ مَكْظُومٌ

Fa ṣbir li ḥukmi rabbika wa lā takun ka ṣāḥibi l-ḥūt ’idh nādā wa huwa makḍhūm [48]

Endure avec patience ce que ton Seigneur a prédestiné ; et ne sois pas comme l’homme à la baleine qui appela, en colère [contre son peuple].

Ô Mouḥammad, sois patient "li ḥukmi rabbika", face à ce que ton Seigneur a prédestiné, qui est inéluctable. Poursuis ce que ton Seigneur t’a ordonné de faire et que leur dénégation et leur nuisance ne te dissuadent pas de transmettre ce qui t’a été ordonné.

"wa lā takun", ô Mouḥammad, "ka ṣāḥibi l-ḥūt", comme l’homme à la baleine, qui est le prophète Yoūnus (Jonas), عليه السلام, que la baleine a gardé dans son ventre.

Histoire du prophète Yoūnus (Jonas)

L’histoire du prophète Yoūnus (Jonas)  est la suivante : quand il est allé en Iraq, par obéissance à l’ordre de Allāh, pour transmettre le message de son Seigneur et appeler ces polythéistes à la religion de l’Islam, à adorer Allāh seul et à abandonner l’adoration des idoles, ils l’ont démenti, se sont rebellés, ont persisté dans leur mécréance et n’ont pas répondu à son appel. Yoūnus, عليه السلام, est resté patient face à leur nuisance, les appelant à l’Islam, les exhortant et les conseillant. Cependant, après un long séjour parmi eux, il n’a trouvé d’eux que de l’entêtement et de l’obstination dans leur mécréance. Il a trouvé des oreilles sourdes et des cœurs recouverts, et ils s’opposaient à son appel. Alors, le prophète Yoūnus, عليه السلام, désespéra d’eux après que cela eut duré longtemps,  il sortit d’entre eux et pensa que Allāh ne le châtierait pas pour être parti de parmi eux, et ne le mettrait pas dans la difficulté pour avoir quitté les gens de ce village et les avoir abandonnés avant que Allāh ne lui ordonne de sortir. Quand ce qui est arrivé au prophète de Allāh Yoūnus, le fait d’être avalé par la baleine, est arrivé, il a su, عليه السلام, que ce qui lui était arrivé était une épreuve pour lui à cause de sa précipitation et de sa sortie de son peuple auquel il avait été envoyé, sans permission de Allāh, ʿAzza wa Jall. Puis il est retourné vers eux et les a trouvés croyants en Allāh et repentis envers Lui, et il est resté avec eux pour les éduquer et les guider.

Remarque : le Prophète Yoūnus, عليه السلام, est parti en colère contre son peuple parce qu’ils l’avaient démenti, n’avaient pas cru en son appel et avaient persisté dans leur mécréance et leur shirk. Il n’est pas permis de croire que le prophète de Allāh Yoūnus, عليه السلام, est parti en colère contre son Seigneur, car c’est de la mécréance et de l’égarement qu’il n’est pas permis d’attribuer aux prophètes de Allāh, que Allāh a protégés et a faits guides et bien-guidés, qui connaissent leur Seigneur. Celui qui attribue à Yoūnus, عليه السلام, d’être parti en colère contre Allāh, a menti sur un prophète de Allāh et lui a attribué l’ignorance de Allāh et la mécréance en Lui, ce qui est impossible pour les prophètes, car ils sont protégés de la mécréance et des grands péchés, et des petits péchés de bassesse avant la prophétie et après.

"’idh nādā" quand il a invoqué son Seigneur alors qu’il était dans le ventre du baleine, en disant : "Il n’y a pas de dieu sinon Toi, Tu es exempt de toute imperfection." "wa huwa makḍhūm", il était rempli de colère contre son peuple car ils n’avaient pas cru quand il les avait appelés à la foi, et ils l’avaient poussé à se précipiter pour les quitter.

لَّوْلَا أَن تَدَارَكَهُ نِعْمَةٌ مِّن رَّبِّهِ لَنُبِذَ بِالْعَرَاءِ وَهُوَ مَذْمُومٌ

Law lā ’an tadārakahu niʿmatun min rabbihi la nubidha bi l-ʿarā’i wa huwa maḍhmūm [49]

Si ce n’était un bienfait de son Seigneur qui l’avait atteint, il aurait été jeté sur la terre nue, et il aurait été blâmable.

"niʿmatun min rabbihi", c’est-à-dire une miséricorde. Si Allāh ne lui avait pas accordé la grâce d’exaucer son invocation et d’accepter son excuse, "la nubidha", il aurait été rejeté du ventre du baleine "bi l-ʿarā’i", sur une terre nue et vaste, sans montagnes ni arbres pour le cacher. "wa huwa maḍhmūm", il aurait été blâmé, mais il a été atteint par la miséricorde et a été rejeté sans être blâmé, car il s’était repenti avant de sortir du ventre du baleine.

فَاجْتَبَاهُ رَبُّهُ فَجَعَلَهُ مِنَ الصَّالِحِينَ

Fa jtabāhu rabbuhu fa jaʿalahu mina ṣ-ṣāliḥīn [50]

Son Seigneur l’a élu et l’a mis au nombre des vertueux.

Allāh l’a élu et l’a choisi. "fa jaʿalahu mina ṣ-ṣāliḥīn", Il l’a placé parmi ceux qui ont perfectionné les qualités de droiture, et il a été dit que cela signifie qu’Il l’a placé parmi les prophètes.

وَإِن يَكَادُ الَّذِينَ كَفَرُوا لَيُزْلِقُونَكَ بِأَبْصَارِهِمْ لَمَّا سَمِعُوا الذِّكْرَ وَيَقُولُونَ إِنَّهُ لَمَجْنُونٌ

Wa ’in yakādu l-ladhīna kafarū la yuzliqūnaka bi ’abṣārihim lammā samiʿu dh-dhikra wa yaqūlūna ’innahu la majnūn [51]

Peu s’en faut que les mécréants ne te fassent tomber de leurs regards, quand ils entendent le Qour’ān, et ils disent: « Il est certes fou! »

Il y a deux opinions des exégètes sur le sens de ce verset. La première est que les mécréants ont voulu atteindre le Messager de Allāh ﷺ par le mauvais œil, et Allāh l’a protégé et a révélé ce verset. La seconde est que, en raison de leur haine et de leur hostilité intenses envers toi, leurs regards pourraient te faire tomber, tant leur regard est fort. On dit qu’un tel m’a regardé si fort qu’il a failli me dévorer ou me faire tomber. Ce verset est une preuve que le mauvais œil et son effet sont une réalité, par la volonté de Allāh. Le Messager de Allāh ﷺ a dit ce qui signifie : "Le mauvais œil est une réalité." Rapporté par al-Boukhāryy, c’est-à-dire que l’impact du mauvais œil est une chose établie et existante. Al-Boukhāryy a aussi rapporté, selon une narration d’Ibnou ʿAbbās, que le Prophète ﷺ cherchait protection pour al-Ḥasan et al-Ḥousayn et disait ce qui signifie : "Votre père cherchait protection pour Ismāʿīl et Isḥāq par ces paroles" :

أعوذ بكلمات الله التامة من كل شيطان وهامة ومن كل عين ولامَّة

qui signifie "Je cherche protection par la parole parfaite de Allāh contre tout démon et tout animal venimeux et contre tout mauvais œil."

La majorité a lu "la yuzliqūnaka" avec un ḍamma sur le yā’, de ’azlaqtuhu. Les gens de Médine l’ont lue avec une fatḥa, de zalaqtuhu ’azliquhu, ce sont deux langues arabes bien connues.

"lammā samiʿu dh-dhikra", quand ils ont entendu le Livre de Allāh récité, qui est le Qour’ān. "wa yaqūlūna", en raison de leur haine et de leur aversion intenses pour notre maître Mouḥammad ﷺ, "’innahu la majnūn", ils l’attribuaient à la folie quand ils le voyaient réciter le Qour’ān. Ils disaient cela pour en détourner les gens, alors qu’ils savaient que le Prophète ﷺ était le plus parfait d’entre eux en mérite et le plus sage en esprit.

En réponse à leurs paroles, Allāh a dit :

وَمَا هُوَ إِلَّا ذِكْرٌ لِّلْعَالَمِينَ

Wa mā huwa ’illā dhikrun li l-ʿālamīn [52]

Alors que ce n’est qu’un rappel pour les humains et les jinns.

Le Qour’ān n’est "’illā dhikrun li l-ʿālamīn", qu’une exhortation pour les humains et les jinn, par laquelle ils s’instruisent et en déduisent la droiture de leurs conditions religieuses et mondaines. Comment peut-on dire d’un homme qui enseigne de telles choses, qui contiennent la guidance, la vérité, la justice et le bonheur de l’au-delà, et qui invite les gens à agir selon cela, qu’il est fou, alors que c’est la chose la plus évidente qui prouve la perfection de son esprit et la grandeur de sa stature ? Celui qui lui attribue des imperfections n’est que le résultat de son ignorance et de sa déception. On a dit en poésie : "Si un homme n’a pas une vue saine, il n’est pas étonnant qu’il doute alors que l’aube est claire."

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